Content warning Pensionnats, trauma, colonialisme, alcool
Deux femmes, issues de deux mondes opposés et réunies dans ce salon sordide par un passé que l'une souhaite oublier et que l'autre voudrait comprendre, s'observent en silence. Un chien jappe dans la rue. Le vent, toujours le vent du nord, siffle. Mais dans la tiédeur de la petite maison vétuste, le passé est sur le point de rattraper le présent. Du fond de son abime, Marie dis. cerne mal le visage délicat de la jeune femme. Son esprit, englué depuis tant d'années, a perdu la faculté de s'inté resser à ce qui l'entoure. Elle va renoncer. À quoi bon. Mais quelque chose l'interpelle. Elle hésite, cherche de quoi il s'agit. Le visage lui est inconnu, mais un trait familier dans le regard l'attire. Quoi? Se concentrer lui demande un effort, mais elle parvient à mieux distinguer les yeux qui la fixent. Marie n'a pas l'habitude qu'on l'observe ainsi, surtout d'aussi près. Elle devrait se sentir intimidée ou gênée. Toutefois, elle n'éprouve aucun malaise. Elle se dit que c'est l'alcool. Il doit être de mauvaise qualité. Mais elle a souvent bu pire que ça. Pourquoi alors? Qu'est-ce que ces yeux ont de si particulier? Elle ne saurait le dire non plus.
— Le vent en parle encore by Michel Jean (Page 94)