Puis-je te dire un secret, Rodney? J'écris en français pour déclarer mon indépendance des langues dont j'ai héritées. J'écris en français pour mieux revenir à l'arabe et écouter mes parents me lire par une journée ensoleillée, assise par terre dans le salon, les jambes croisées. J'écris en français pour qu'ils me redécouvrent femme avec une plume et mille histoires à raconter. Chaque langue qu'on laisse mourir, ou qu'on n'apprend pas; c'est une fenêtre qui se ferme, un avenir qui se rétrécit, un monde qui disparaît. J'imagine un futur où les jeunes apprennent les langues autochtones à l'école à côté du français et de l'anglais. Un futur où Montréal, comme Tolède à l'époque de l'empire musulman en Andalousie, devient un centre de traduction et de transmission de savoir, un lieu d'où surgit une nouvelle renaissance.
— Les racistes n'ont jamais vu la mer by Rodney Saint Éloi, Yara El-Ghadban (Page 251)