SaraT. reviewed Permafrost by Eva Baltasar
Quand la langue décape toute carapace, fût-elle Permafrostée
4 stars
Monologues d'une lesbienne quadra dĂ©pressive : il y a mieux pour attirer le chaland. Et pourtant : la langue est ciselĂ©e au cordeau, jouissive dans ses expressions dĂ©jantĂ©es et inattendues, poĂ©tiques au cĆur d'une noirceur tournĂ©e en dĂ©rision Ă chaque ligne. La thĂ©matique y reprend du poil de la bĂȘte, dans de courts chapitres a priori sans queue ni tĂȘte, dĂ©sopilants des propos sans filtres que tient l'auteure sur le mal-ĂȘtre de la narratrice, engoncĂ©e dans la carapace qu'elle s'est forgĂ©e pour tenir - tenir dans un univers fĂ©minin Ă©touffant (mĂšre, sĆur), dans des relations qu'elle s'obstine Ă rompre (ses amantes), dans la dĂ©couverte crue de la sexualitĂ© Ă l'adolescence, totalement et rapidement assumĂ©e. Toute carapace, mĂȘme gelĂ©e, peut se fissurer : les craquelures apparaissent au milieu d'un cynisme qui s'exprime jusqu'Ă la derniĂšre page, ouvrant Ă autre chose qu'Ă l'aspiration Ă la disparition physique. La plume d'Eva Baltasar s'est âŠ
Monologues d'une lesbienne quadra dĂ©pressive : il y a mieux pour attirer le chaland. Et pourtant : la langue est ciselĂ©e au cordeau, jouissive dans ses expressions dĂ©jantĂ©es et inattendues, poĂ©tiques au cĆur d'une noirceur tournĂ©e en dĂ©rision Ă chaque ligne. La thĂ©matique y reprend du poil de la bĂȘte, dans de courts chapitres a priori sans queue ni tĂȘte, dĂ©sopilants des propos sans filtres que tient l'auteure sur le mal-ĂȘtre de la narratrice, engoncĂ©e dans la carapace qu'elle s'est forgĂ©e pour tenir - tenir dans un univers fĂ©minin Ă©touffant (mĂšre, sĆur), dans des relations qu'elle s'obstine Ă rompre (ses amantes), dans la dĂ©couverte crue de la sexualitĂ© Ă l'adolescence, totalement et rapidement assumĂ©e. Toute carapace, mĂȘme gelĂ©e, peut se fissurer : les craquelures apparaissent au milieu d'un cynisme qui s'exprime jusqu'Ă la derniĂšre page, ouvrant Ă autre chose qu'Ă l'aspiration Ă la disparition physique. La plume d'Eva Baltasar s'est taillĂ©e dans des recueils de poĂ©sie : le texte l'illustre Ă chaque mot. Magnifique traduction d'Annie Bats, qui donne Ă entendre une langue sonore, colorĂ©e, exprimant quelque chose de cette expĂ©rience du dĂ©calage entre paraĂźtre attendu dans nos relations, et aspirations profondes. L'ouvrage est relativement court, composĂ© de brefs chapitres qui s'enchaĂźnent sans lien direct apparent parfois ; il est aussi particuliĂšrement intense ; comme si sa briĂšvetĂ© venait pour faciliter la respiration aprĂšs cette plongĂ©e sous une terre gelĂ©e.